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ELENI VELENTZA*
* Doctorante à l’École de criminologie
Centre de recherche interdisciplinaire sur la déviance et la pénalité (CRID&P)
Université catholique de Louvain (Belgique)
Bourses FRESH 2014 du Fonds National pour la Recherche Scientifique (FNRS)

Essai à saisir le matérialisme: ​au-delà de la tangibilité d'un concept transcendant
|
Trying to grasp materialism: beyond the tangibility of a transcendent concept (in French)

«Imperious Caesar, dead and turned to clay,
Might stop a hole to keep the wind away.
Oh, that that earth, which kept the world in awe,
Should patch a wall t' expel the winter’s flaw!»

William Shakespeare, Hamlet, Act 5, Scene 1.
INTRODUCTION



Cet article relève de la volonté d’appréhender la rationalité et l’histoire d’un concept éminemment philosophique, celui du matérialisme. Pourquoi introduire ce travail par une mise en évidence de sa nature philosophique, et non pas, par exemple, de sa nature marxiste? Louis Althusser contestait, apparemment, que le marxisme ne fût pas une nouvelle philosophie à proprement parler, mais plutôt une nouvelle pratique de la philosophie1. On pourrait donc statuer que, pour la naissance et la mise en œuvre d’une telle pratique, le matérialisme représenta l’un des éléments capitaux de son arrière fond philosophique. Il s’agit d’une notion-alma mater, d’une «terre» fertile, sur laquelle cette pratique de la philosophie que représente le marxisme, selon Althusser, a pu s’enraciner et ensuite donner ses fruits; elle ne fût pas l’unique, mais elle fût l’une d’entre elles.



La relation entre Karl Marx et le matérialisme ne constitue qu’une période dans l’histoire longue et riche de celui-ci, qui perdure depuis l’Antiquité et l’époque de Platon, de Démocrite et d’Épicure. Dès lors, de grands esprits se sont (pré-)occupés du matérialisme en faisant un objet d’étude, ou une thèse principale retraçant leur œuvre ou constituant leur philosophie; comme une manière à la fois de voir et d’expliquer ce monde -ce mystère- qui est le nôtre. «Le matérialisme … est ... la conception du monde ou de l’être qui affirme le rôle primordial, voire l’existence exclusive, de la matière» et il affirme que «tout est matière ou produit de la matière, et qu’il n’existe en conséquence aucune réalité spirituelle ou idéelle autonome – ni Dieu créateur, ni âme immatérielle, ni valeurs absolues ou en soi».2 Il s’agit donc d’un concept qui incarne l’une de ces réponses magnifiques que l’esprit humain a tenté de donner à la question des questions: «Quel est la substance de notre monde?». La grandeur de cette question, dont le contenu a pris des formes extrêmement variées à travers les ans, nous permet de supposer l’importance de la réponse et d’expliquer de cette façon le charme philosophique, la richesse et la diversité passionnante du contenu du matérialisme.
Parmi les innombrables philosophes qui ont travaillé sur sa réflexion, et dans l’objectif de rester dans une ligne dite «marxiste», je vais en présenter ici quatre qui se situent en relation relativement étroite avec la pensée de Karl Marx, qui l’ont influencé mais qui se sont également laissés influencer par lui. Cette présentation contiendra quatre moments: le matérialisme antique de Démocrite et d’Épicure, le matérialisme moderne de Spinoza, le matérialisme historique de Karl Marx et le matérialisme de la rencontre de Louis Althusser.


LES POLES OPPOSÉS


L’une des façons de définir et saisir le sens des choses consiste à les situer correctement et à les explorer en juxtaposant leurs pôles opposés. Et malgré le fait que, bien souvent, il arrive que les pôles et les extrêmes se rencontrent (ce qui est également le cas chez des philosophes matérialistes, comme nous le verrons par la suite) éclairons néanmoins cette notion du matérialisme en prenant conscience de ce qui se trouve philosophiquement opposé à elle.


1. MATERIALISME ET IDEALISME


L’opposition entre matérialisme et idéalisme pourrait être vue comme l’acte inaugural de la naissance de la philosophie.3 C’est dans l’Antiquité grecque, et plus particulièrement chez Platon, que l’on retrouve pour la première fois une catégorisation très tranchée - voir même une opposition - entre les «amis des Idées» et les «amis de la Terre».4 D’une façon élémentaire et schématique, il est permis d’établir que l’Idéalisme, contrairement au matérialisme, intercède le primat des idées sur la matière. Et la vérité contenue dans cette différence se cache dans la qualité de ce primat: «Il s’agirait d’un primat chronologique […], logique ou causal (même simultanées, les idées seraient principes ou causes de l’existence matérielle) primat de valeur enfin».5 Dans l’idéalisme, l’Esprit et le Réel se confondent dans un ensemble homogène car le premier ne devient pas simplement un «filtre» mais une véritable condition définissant le monde existant; autrement dit, selon l’archétype idéaliste, le monde palpable n’existe qu’à travers notre esprit, à travers les Idées. Ce primat des Idées n’a pas été mieux illustré que par Platon lui-même (qui d’autre?) dans un texte de Phédon: «C'est par le reflet de beauté primitive que les belles choses sont belles. […] C'est par la grandeur que les choses grandes sont grandes, et les petites sont petites par la petitesse»;6 «toute autre causalité est accidentelle et laborieuse».7 On voit bien alors que, dans l’idéalisme, les frontières entre ce qui existe dans notre sphère spirituelle - à travers laquelle il est possible d’entrer en contact avec les Idées - et ce qui existe réellement, n’existent pas. Pour l’idéalisme donc, c’est l’Idée qui nous permet de nous rendre compte de la réalité extérieure, et nous sommes ce que nous sommes grâce à l’existence d’une instance extérieure qui nous surpasse et définit notre substance d’un même mouvement.
Du côté du matérialisme, les phénomènes sont évalués d’une tout autre façon. «Le matérialisme rappelle à la considération de la nature sans adjonction extérieure».8 Aucune Idée, aucun reflet, aucune instance extérieure n’intervient entre le monde et notre perception de celui-ci. C’est via la matérialité des choses que notre perception est formée, sans aucun intermédiaire extérieur. Cet aspect «tangible» et immanent du matérialisme provoqua de féroces critiques de la part de ses opposants : «Tous les jours les sciences naturelles font quelque heureuse découverte et il se trouve toujours un physicien, un chimiste, voire un fumiste quelconque pour tirer de là une preuve que Dieu et l’âme sont désormais impossibles, qu’il n’y pas de place pour eux dans l’univers».9 Les répercussions des thèses matérialistes poussent donc très loin dans notre manière de penser l’être. Je pourrais tout à fait comprendre la colère et l’indignation des critiques (sans que cela signifie pour autant que je prenne de leur parti) car c’est une idée répandue que loin de la «prison» de la matière, il reste toujours possible de trouver les solutions les plus merveilleuses, les plus consolatrices, les plus soyeuses que l’on ne pourrait jamais imaginer, et de cette façon échapper à nos problèmes insolubles. De quel droit, alors, une poignée de matérialistes se permet-elle de nous priver de cette merveille, de cet espoir rédempteur dont on le besoin se fait tellement ressentir ?


2. IMMANENCE ET TRANSCENDANCE


En conservant le postulat de ce couple farouchement opposé (matérialisme/idéalisme), je voudrais me concentrer et attirer un peu plus l’attention sur l’importance capitale de deux notions qui délimitent, à mon avis, le noyau dur de cette contradiction: l’immanence et la transcendance. «Of all the opinions that have yet been enumerated respecting the cause of vital phenomena, we have met with none in which they are not ultimately ascribed to one or other of two causes; to a certain organism of the materials of which the visible structure is composed or to a principle totally distinct».10

Premièrement, l’immanence comme caractéristique centrale de la notion du matérialisme renvoie à une autosuffisance de la nature, à une possibilité d’exister sans aucun aide extérieure, métaphysique, comme celle d’un Dieu ou d’une instance céleste, par exemple. L’immanence représente, en d’autres termes, un état où la matière est constituée et expliquée exclusivement par la matière, le monde par le monde, dans un processus d’introspection perpétuel. «Quelle hubris!» penseraient quelques-uns: «Quel orgueil humain, quelle démesure!», «Quelle rédemption!» penseraient quelques autres, «mais quel cadeau d’autonomie!». Sans l’existence d’une instance extérieure fixant et déterminant a priori notre sort, nous sommes tout d’un coup libérés de la fatalité de l’hétéronomie, voir même d’une hégémonie transcendante. Par contre, si tout se trouve ici, si tout est immanent à ce monde qui est le nôtre - à ce moment, à ce territoire historique qui est le nôtre -, alors les solutions s’y trouvent aussi et elles nous sont accessibles, elles nous sont possibles. Quelle étrange et soudaine explosion d’espoir inattendu !
Dans un deuxième temps, l’immanence se trouve avoir comme conséquence logique et inévitable l’immortalité de la matière.11 Rien ne se crée et rien ne se perd, rien ne sert du cycle; le seule mode d’existence est celui de la matière, une matière à la fois explicans et explicandum.12 «Dans ce monde matériel rien ne se perd, rien ne se crée: tel est l’axiome capital de la physique épicurienne. L’univers se compose de deux éléments, la matière et le vide. Les corps sont constitués d’atomes matériels, inertes, inaltérables et éternels dont la forme, plutôt que la composition, explique la diversité des choses».13

Par contre, le concept de la transcendance se permet l’intervention noble d’une instance extérieure à la matière. C’est ainsi que Philalèthe (personnage d'un dialogue fameux de Schopenhauer) définit la connaissance transcendante, comme étant celle qui procède «en dehors de toute possibilité de l'expérience».14 On passe alors dans un champ clairement métaphysique, «hors du commun»; une illustration en serait la nature transcendante des Idées chez Platon. La connaissance transcendante est celle qui, procédant en dehors de toute possibilité de l'expérience, s'efforce de déterminer l'essence des choses telles qu'elles sont en elles-mêmes.


LES QUATRE MATERIALISMES « MARXISTES »


1. LE MATERIALISME ANTIQUE


Quatre conceptions différentes de la notion de matérialisme seront présentées dans ce chapitre. La sélection a été effectuée en fonction de leur positionnement dans «une ligne du temps marxiste»: il s’agira de présenter les théories de Démocrite et d’Epicure, dont les différences de vue ont été le thème de la thèse de doctorat de Karl Marx; puis, celle de Baruch Spinoza qui a, pour la première fois, donné à la notion du matérialisme une dimension sociologique,15 des siècles avant la naissance de la sociologie; celle de Karl Marx lui-même et sa conception du matérialisme; et finalement celle de Louis Althusser, un grand et célèbre philosophe marxiste.
La présentation des théories atomiques de Démocrite et d’Épicure pourrait très bien débuter avec la phrase suivante: «Avant la formation du monde, une infinité d’atomes tombent dans le vide, parallèlement…».16 Partant de ce postulat, Démocrite, et Épicure à sa suite, se lancent dans une aventure passionnante orientée vers l’élucidation du mystère éternel. Je souhaiterais faire une présentation de ce qu’est le matérialisme antique des atomistes en me concentrant surtout sur le couple nécessité/hasard qui les traverse, en constituant un axe important du regard philosophique de ces deux théories; il s’agit d’un couple qui retrace toute l’histoire du matérialisme. En ne me prétendant ni physicienne, ni chimiste, c’est donc dans ce but bien précis que je tenterai de me référer à Démocrite et Épicure.


1.1. Démocrite et la nécessité


Ce qui pose problème quand on parle de « matérialisme » dans l’Antiquité (et plus particulièrement ici, puisqu’on parle de Démocrite, pour la période entre la fin du Ve et le milieu du IVe siècle avant J.-C.), c’est le danger de ne pas avoir conscience de l’anachronisme qui est inclus dans une telle démarche. 17 Les points de la physique du philosophe d’Abdère qui rejoignent le concept du matérialisme sont les suivants: «(a) Les causes sont des corps, en l’occurrence des atomes. Ce principe s’oppose notamment à toute intervention d’une Providence ou d’un intellect organisateur. (b) Toutes des qualités des corps composés sont réductibles à la matière, c'est-à-dire au mouvement des atomes dans le vide et aux figures atomiques. (c) Les mouvement de la matière peuvent être expliqués selon un mécanisme stricte».18 Chez Démocrite, le matérialisme est, «contrairement à ce que lui reprocheront ses détracteurs, assez nuancé. Précisément parce que [il] n’a d’existence qu’en contrepoint avec le vide qui, de fait, gagne lui-même un statut ontologiquement respectable. [L’atomisme abdéritain] ne nie plus le rien, l’absence, la possibilité de n’être pas». En rassemblant ces éléments fondamentaux du matérialisme de Démocrite, il est à la fois extrêmement impressionnant et ironique de constater que le geste inaugural du «matérialisme» fût l’approbation du vide.
Par ailleurs, en dehors de la notion de vide, le concept-clé de la théorie de Démocrite qu’il me semble particulièrement pertinent de souligner, car important dans une perspective matérialiste, est celui de la nécessité. Marx consacra sa thèse de doctorat à la différence de la philosophie de la Nature chez Démocrite et Epicure et écrira: «La nécessité serait pour Démocrite le destin et le droit, la providence et la créatrice du monde. Mais la substance de cette nécessité serait l'antitype, le mouvement, l'impulsion de la matière». En essayant de clarifier cette notion de la nécessité chez Démocrite, Karl Marx précise qu’il ne s’agit pas d’une nécessité pure mais plutôt d’une nécessité médiatisée19 par toute une série de conditions et de raisons qui jouent aussi un rôle dans le déroulement des choses, d’une «nécessité relative, comme déterminisme.»20 Ce déterminisme se fonde principalement sur ce mécanisme stricte qui conditionne, selon Démocrite, le mouvement dans notre monde.


2.2. Épicure et le hasard


Du coté d’Épicure, c’est le hasard qui prend le relais: «La physique épicurienne se distingue de celle de Démocrite par la substitution du hasard à la nécessité, ainsi que de l’atomisme moderne par la fonction déterminée de chaque corpuscule».21 C’est cette substitution qui distingue d’une façon décisive les théories des deux philosophes. La théorie d’Épicure part de l’immensité du hasard en niant catégoriquement l’existence d’un principe organisateur22 du mouvement des atomes qui sont susceptibles de se mettre en mouvement grâce à une cause immanente23 à leur propre nature. Selon Pierre Artemenko, c’est exactement cette idée d’immanence qui forme le noyau dur de la pensée épicurienne.
Le passage du déterminisme au hasard a quand même une grande importance philosophique. Car il ne faut jamais oublier que même dans un tel contexte, dit micro- et «atomique», il y a toujours une continuité qui influence l’évolution philosophique dans son ensemble. Il s’agit de toute une manière de voir le monde, et cette manière on ne doit jamais la réduire à une simple manière d’expliquer le mouvement des atomes, et rien que cela. C’est dans une perspective globale qu’il faut toujours envisager Démocrite et Épicure. Malgré l’échelle «atomique», leurs théories et les notions de la nécessité et du hasard forment un mode de pensée philosophique comprenant des caractéristiques précises.
Cette perspective globale et ce passage à un niveau philosophique, qui pourrait concerner beaucoup plus de situations que la théorie atomique vue strictement dans sa dimension physique, peut être saisie grâce à l’extrait suivant: «Ensuite survient le clinamen: une déclinaison infinitésimale qui a lieu on ne sait où, ni quand, ni comment. L’important est que le clinamen provoque la déviation d’un atome au cours de sa chute dans le vide et provoque une rencontre avec l’atome voisin…et de rencontre en rencontre -chaque fois et partout où elles sont durables et non pas fugitives- nait un monde».24 On peut donc imaginer des applications diverses du clinamen, même pris à un niveau sociologique, avec une substitution des conditions sociales à la notion de l’atome.


2. LE MATÉRIALISME MODERNE DE SPINOZA


La pensée de Baruch Spinoza constitua plus qu’une simple influence pour l’évolution de la philosophie. On retrouve une fois de plus, chez Spinoza, la problématique de la téléologie, ou autrement dit du couple détermination/hasard.
Dans un premier temps, on pourrait dire que la pensée de Spinoza constitue une acrobatie permanente entre naturalisme immanent et matérialisme. Le naturalisme est la thèse selon laquelle la nature, prise en son sens large, est la seule réalité;25 il s’agit en fait d’une notion à la fois assez voisine et assez éloignée de celle du matérialisme. Voisine parce que la notion d’immanence domine le naturalisme, mais en même temps éloignée parce que la notion de « Nature » contient une série de dangers puisqu’elle est « susceptible de scandaliser la plus part des esprits des sciences sociales […] Comment le naturalisme spinoziste ne leur apparaîtrait-il pas comme une monstrueuse régression, eux qui ont construit un domaine propre des sciences sociales par séparation d’avec les sciences physiques et par l’affirmation de la coupure nature-culture?».26 Dans le malentendu et finalement dans la fausseté d’une telle réaction se cache le noyau dur du matérialisme naturaliste de Spinoza. C’est impressionnant comment le philosophe hollandais construit sa théorie en concevant la notion de la liberté humaine dans un contexte défini par l’idée de l’immanence naturaliste; «à l’inverse de la revendication d’extra-territorialité de la liberté humaine qui demeure toujours à la recherche de ce qui pourrait la fonder… de cet introuvable fondement, hypothèque permanente sur les sciences sociales “culturalistes”, Spinoza n’a nul besoin.».27 Naturalisme spinoziste ne veut donc en aucun cas dire transcendance. L’homme pour Spinoza se trouve expliqué par et dans la Nature où il habite et de rien d’autre en dehors d’elle. C’est exactement cette notion de la Nature spinozienne qui - des siècles plus tard - donnera sa place à une notion qui n’est autre que celle de la «société»; c'est-à-dire qu’il «faut sous-estimer, et de beaucoup, l’infinie productivité de la Nature spinozienne, et surtout la complexité de ses productions, pour imaginer qu’une position naturaliste condamnerait nécessairement aux aberrations intellectuelles que les sciences sociales, à juste titre, ont eu à cœur de dénoncer –une “nature humaine” unique faisant norme, une sacralisation des rapports de force nus, une sociobiologie primaire, un renoncement à toute politique, etc.».28
Mais si l’on revient à la problématique de substance pour rapprocher une fois de plus le matérialisme spinoziste, la fidélité au concept d’immanence devient éloquent quand il s’agit de définir ce qui est pour Spinoza la «substance» de notre être: «C’est être “en soi et conçu par soi” et cela l’individu humain ne l’est pas. La personne humaine, de son point de vue, n’a pas d’identité en soi, explicable par soi, mais elle est à concevoir comme un “mode”, soit comme “ce qui est en une autre chose, et se conçoit aussi par cette autre chose” […] nous ne sommes pas substances, mais rapports, et plus précisément encore, rapports de rapports, comme y a tant insisté Deleuze. ».29 C’est ce point-ci qui est révolutionnaire chez Spinoza, c'est-à-dire, le primat relationnel qui est mis en avance dans le cadre de sa théorie naturaliste. C’est la relation entre les choses qui leur donne une substance, qui les qualifie, qui les nomme, qui les caractérise, qui les «objective»30 (dira Foucault des siècles plus tard). Ce qui est extrêmement intéressent à observer et à constater, c’est le rapport entre la notion d’immanence et le développement de la pensée autour des rapports sociaux. Il semblerait que l’immanence fût le contexte philosophique à la fois suffisant et nécessaire pour que l’on puisse avancer vers une conception relationnelle du monde social, ce qui ne serait pas du tout favorisé dans un cadre où une instance extérieure expliquerait le monde (transcendance). Ce primat, on peut aussi l’interpréter comme un rapport dialectique que l’on retrouvera chez Marx, dans son matérialisme historique. Pour Spinoza, la substance des choses est leur rapport mutuel. Il s’agit d’un matérialisme «relationnel» qui ouvre la porte à un niveau macrosociologique et pour la création des sciences sociales dans les siècles suivants.


3. LE MATÉRIALISME HISTORIQUE DE KARL MARX


Karl Marx bâtit son propre matérialisme, qu’on connaît sous le terme «matérialisme historique» et qui constitue sa façon de concevoir l’histoire; quand on parle de l’Histoire chez Marx, on ne peut jamais la dissocier de l’histoire des classes sociales, de leur lutte ainsi que l’histoire des systèmes de modes de production et de leur succession au fil du temps, et - avant tout - la succession du système féodal par le capitalisme.31
Si l’on voulait présenter d’une seule phrase le contenu de cette conception matérialiste de l’histoire, on pourrait dire qu’il s’agit «de [sa] détermination en dernière instance par l’économie. Dans des structures différentes, l’économie est déterminante en ce qu’elle détermine celle des instances de la structure sociale qui occupe la place déterminante».32 On est donc devant une prédominance claire de l’aspect économique qui est considéré comme le facteur incontestablement déterminant pour le déroulement de l’histoire de la lutte des classes sociales. Mais, au fond, cette phrase ne simplifie-t-elle pas de façon douteuse les choses? Le matérialisme historique est-il vraiment identique à la notion d’une surdétermination économique de l’histoire?
Je vais prendre mes distances par rapport à une telle simplification qui me semble rendre les choses plus compliquées que l’aurait peut-être souhaité un esprit si dorique que Karl Marx. Même si cette prise de distance de ma part présuppose que j’ose (peut-être naïvement et avec audace) à la fois interpréter ce que Karl Marx a voulu exprimer et critiquer la phrase de Louis Althusser comme étant trop simpliste, je choisis d’aller jusqu’au bout de mon raisonnement, guidée par un désir d’élucidation dû évidemment à l’exceptionnalité de la pensée de ces deux grands esprits. « La partie historique la plus considérable du Capital est celle qui a trait à ce que l’auteur appelle, d’après Adam Smith, l’accumulation primitive; […] Il nous apprend au début de l’article intitulé: Secret de l’accumulation primitive, qu’il veut montrer quelle est l’erreur de ceux qui croient que le Capital primitif est sorti de l’épargne. Bien loin que le capitalisme débute par une idylle, il a eu pour origines des rapines, des guerres, des actes de violence de tout genre; la richesse put ainsi être accumulée entre les mains de quelques-uns et la masse des paysans dépouillée de la propriété, fournit des bras pour l’industrie. Marx n’a donc à écrire ici que des phénomènes très simples, qui ne comportaient guère de considérations relatives à la réaction du droit sur l’économie».33 Après avoir lu cet extrait, on oserait même dire que cet acte inaugural du capitalisme, l’accumulation primitive, fût réalisé de facto; simplement de facto. Ceci nous rapproche de la logique épicurienne du hasard, ou pour être plus précise de l’absence d’un déterminisme, et nous éloigne plutôt d’une logique dite «purement» marxiste : celle d’une détermination stricte et impitoyable par l’économie.
Avant de tomber dans le piège du questionnement, face à une «incohérence» de Karl Marx, je me suis demandée si cela aurait été peut-être plus mûr et plus utile de réaliser que je me trouve face à Karl Marx lui-même. Ceci dit, qu’il vaut mieux éviter les illusions et la quête des nœuds gordiens quand on décide de «plonger» dans la pensée d’un si grand esprit en espérant saisir au moins ses idées de base. Par conséquent, je ne vais pas tenter ici de délimiter la notion du matérialisme historique ni de déclarer ce qui en fait partie ou pas.
Je souhaite par contre me référer à une notion qui pourrait être, selon Althusser, l’une des clés pour saisir le matérialisme historique de Marx : il s’agit de la notion de la dialectique matérialiste qui est, selon Althusser, manifestée chez Marx comme une «[notion] réelle des diverses formations sociales […] Autrement dit, les formations sociales ne sont pas simplement le lieu (ou le milieu) “concret” dans lequel se “réaliserait” une dialectique générale, abstraite, […] elles sont en réalité le seul objet qui se transforme, parce que le seul qui comporte réellement une histoire de luttes de classes».34 La prise en compte de cette logique d’interdépendance qui est mise en avant par la dialectique matérialiste - qui n’est pas générale, mais concrètement manifestée dans la lutte des classes - semble de mieux englober toutes les dimensions du concept du matérialisme historique qui est parfois violemment réduit à la seule perspective de la surdétermination économique.


4. LE MATÉRIALISME DE LA RENCONTRE DE LOUIS ALTHUSSER


Quant il s’agit de présenter le concept du matérialisme de la rencontre, dont l’attrait surpasse l’ordinaire, il m’est difficile de me montrer «objective»! C’est le chant du cygne de Louis Althusser, de ce grand penseur et philosophe. Le matérialisme de la rencontre peut être caractérisé comme le plus sui generis de tous ceux présentés dans cet essai. Il se positionne dans une perspective épicurienne, et pas tant dans une perspective marxiste à proprement parler. Louis Althusser, en s’appuyant sur le matérialisme d’Épicure et son idée du hasard, l’introduit dans un contexte marxiste afin de montrer que rien n’est joué d’avance dans le cadre d’une structure sociale. N’oublions pas à ce point-ci que pour Marx «la conception matérialiste de la nature et la conception matérialiste de l’histoire étaient les deux bases indispensables de la science moderne. L’histoire humaine et l’histoire naturelle constituaient finalement un seul cadre historique de référence».35 Le geste de Louis Althusser, qui est donc de «mêler» le matérialisme d’un physicien atomiste, comme l’était Épicure, et celui de Marx, ne manque pas du tout de cohérence.
Le matérialisme de la rencontre a comme caractéristiques fondamentales les notions du vide épicurien et du non-déterminisme. «Avant qu’il ait eu un monde, il n’existait absolument rien de formé, et en même temps tous les éléments du monde existaient déjà isolement, de toute éternité, avant qu’aucun monde ne fût».36 Ce qui est crucial, afin de comprendre sa philosophie, c’est d’élucider la substance de ce vide, de ce rien: «Aucun sens n’existait, ni cause, ni fin, ni raison, ni déraison. C’est la négation de toute téléologie».37 En revenant dans un contexte marxiste cela veut dire que tout - et surtout le dénouement de la lutte des classes - dépendra de la rencontre (ou de la non-rencontre) des facteurs nécessaires, du clinamen historique, du hasard pur ; rien n’est donc inéluctable pour Althusser. «Ce qui ne veut pas dire que fatalement, chaque fois qu’un effort révolutionnaire échoue c’est à cause du fait qu’il n’a pas été “béni” par le hasard ou par ce que Althusser nomme “rencontre”. Et inversement: tout moment n’est pas le “moment d’or” pour que la classe ouvrière réalise sa descente céleste, et cela dit peut-être quelque chose d’important».38
Un autre élément qui doit également être mis en avance est celui de la dimension processuelle39 du matérialisme d’Althusser. Ce sont le processus et la structure qui sont prioritairement importants et non leurs sujets;40 il s’agit un processus dont la caractéristique principale est toujours l’absence d’une fin assignable.41 Primat donc du processus a-téléologique sur le sujet. Et pourquoi est-il opportun d’attirer notre attention sur un tel élément? Parce que, une fois de plus dans le discours du matérialisme, on voit que le processus - et par conséquence le contexte - (qu’il soit naturel ou historique) est placé en avant par rapport aux sujets qui l’habitent. La valorisation du contexte constitue l’un des piliers de la pensée marxiste au sens large du terme (celle de Karl Marx mais aussi celle des philosophes marxistes), un «lieu commun» de la pensée philosophique dite matérialiste.
L’apport de Louis Althusser consiste en une «radicalisation de la direction anti-téléologique comme caractéristique centrale du matérialisme via la notion-clé de la rencontre. […] Rien n’annonce la constitution de ce monde, le monde est l’enjeu imprévu d’un clinamen aléatoire».42 Les pôles matérialistes se rencontrent, les frontières se mêlent en ayant comme direction l’éternité d’une liberté, tout cela dans le contexte du matérialisme. Quel est le «véhicule» qui rend une telle démarche possible? Sans aucun doute, c’est l’idée rédemptrice du hasard.
On ne peut que s’arrêter pour contempler cette quête de liberté!


CONCLUSION ET RÉFLEXIONS D’ENSEMBLE


En essayant de me questionner sur la raison de cet article, la notion de matérialisme m’a attiré surtout après avoir commencé à en apprendre davantage sur elle, et je pense que c’est à cause de toutes les contradictions que celle- ci englobe et qui ont été traitées par ses nombreux partisans au fil du temps. Et même si «les innombrables sous-philosophes, philosophes ongles, philosophes cheveux comme disait Marx, qui sont entrés en guerre par simple esprit de contradiction […] n’ont pas laissé de trace dans l’histoire»,43 il reste toujours que les contradictions ont un charme exceptionnel grâce aux luttes qu’elles provoquent.
Premièrement, la lutte éternelle entre la téléologie et le hasard illustre très bien ce dont je parle. Le matérialisme fût «le champ de bataille» pour les esprits qui ont revendiqué à travers l’histoire le droit de savoir si l’on est déterminé ou si, par contre, on est livré au hasard; si l’on est voués à une téléologie ou confrontés à la liberté. La lutte fût farouche et interminable, encore aujourd’hui, mais c’est grâce à cette lutte que la pensée humaine fût fécondée avec des idées intéressantes qui ont joué un rôle décisif dans l’avancement de la philosophie. L’affinité entre le matérialisme et la quête de liberté est incontestablement prouvée dans l’opposition entre déterminisme et hasard, entre Démocrite et Épicure, entre Marx et Althusser.
Deuxièmement, c’est la lutte entre immanence et transcendance que je considère émouvante car elle touche aussi la question de l’existence ou de la non-existence de cette instance extérieure, divine, expulsée à jamais de la nature humaine. Cette lutte est aussi étroitement liée à l’idée de liberté: «Que deviendra l'homme sans Dieu et sans immortalité? Tout est permis alors, tout est permis?» demande Dimitri Karamazov.44 La question de savoir si le matérialisme est un athéisme est fort contestée, mais d’une façon provocatrice je voudrais accentuer de cette manière le fait que l’immanence du matérialisme conduit à une liberté d’agir qui nous est niée dans le cas de la transcendance.
Troisièmement, ce qui a beaucoup attiré mon attention dans toutes les différentes théories matérialistes étudiées dans le cadre de ce travail fût la négation de l’universalité de quoi que ce soit. Le matérialisme a comme condition indispensable de son existence la mise en avance et la survalorisation du contexte, que ce soit un contexte physique (comme dans la théorie des atomistes) ou un contexte historique (comme chez Marx et Althusser).
C'est-à-dire, par exemple, qu'un physicien matérialiste doit chercher l'élémentarité «dans un contexte concret, sans oublier que ce qui est simple dans tel contexte ou à tel niveau peut devenir complexe dans un autre contexte et à un autre niveau ; que ce qui est un dans telles conditions peut devenir multiple dans des conditions différentes ; ou que ce qui a telles caractéristiques peut dans un contexte différent présenter des caractères contraires».45 L’équivalent, sur une échelle historique, serait mis en avance en disant que le matérialisme explique les choses mais toujours dans un moment historique46 bien précis. Le concept foucaldien de l’historicité devient donc une condition sine qua non pour le matérialisme et conditionne la vérité de ses explications. Ainsi, pas d’universalité mais seulement un contexte bien précis et générateur des conditions sociales et des réponses nécessairement contextualisées.
Non, le matérialisme n’arrive pas au point de considérer l’être humain comme étant au centre de l’attention et de la force, comme le fait par exemple le courant de l’existentialisme. D’ailleurs, pour Artur Schopenhauer, le philosophe matérialiste est pris dans une «étonnante pétition de principe»; enfin, il ressemble «au baron de Munchhausen qui, se débattant dans l’eau, monté sur son cheval, l’enlève avec ses jambes et s’enlève lui-même par la queue de sa perruque ramenée en avant».47 Autrement dit, selon Schopenhauer, le matérialisme joue un jeu «incestueux» en prétendant pouvoir expliquer le monde par le monde, la matière par la matière, sans aucune intervention salvatrice d’une transcendance quelconque. Mais, plutôt réticente à accepter l’idée d’un argument circulaire qui méconnait la notion de l’immanence, j’aimerais bien plus conclure ce petit voyage dans les merveilles du matérialisme avec une phrase de l’Éthique de Baruch Spinoza, car selon le matérialisme c’est bien à travers la corruptibilité de la matière que:


«Nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels»48


NOTES


1 Louis ALTHUSSER, Sur la philosophie, Gallimard, Paris, 1994.
2 André COMTE-SPONVILLE, Dictionnaire philosophique, 4e éd., Presses Universitaires de France, Paris, 2013, p. 558.
3 Pierre RAYMOND, Le passage au matérialisme: Idéalisme et matérialisme, Mathématiques et matérialisme, François Maspero, Paris, 1973.
4 PLATON, Sophiste, 246a-b. Cf. Louis ALTHUSSER, Sur la philosophie, Gallimard, Paris, 1994, p. 56.
5 Pierre RAYMOND, Le passage au matérialisme: Idéalisme et matérialisme, Mathématiques et matérialisme, François Maspero, Paris, 1973, p. 30.
6 PLATON, Phédon, 100e = Œuvres de Platon, trad. Victor Cousin, tome I, Rey et Gravier, Paris, 1846, p. 283.
7 Pierre RAYMOND, Le passage au matérialisme: Idéalisme et matérialisme, Mathématiques et matérialisme, François Maspero, Paris, 1973, p. 33.
8 Denis COLLIN, À dire vrai: Incursions philosophiques, Armand Colin, Paris, 2013, p. 83.
9 Léon BOSSU, Réfutation du matérialisme, Charles Peeters, Louvain, 1891, p. 13.
10 Leon Stephen JACYNA, Immanence or Transcendence: Theories of Life and Organization in Britain, 1790-1835, Isis, Vol. 74, N° 3, Sept. 1983, pp. 310-329: 311.
11 Léon BOSSU, Réfutation du matérialisme, Charles Peeters, Louvain, 1891.
12 Dan KAMINSKI, Méthodologie qualitative de la criminologie, Syllabus des cours, UCL, 2012-2013.
13 Pierre ARTEMENKO, L’étonnement chez l'enfant, Vrin, Paris, 1977, p. 16.
14 Arthur SCHOPENHAUER, Parerga et paralipomena: Sur la religion, trad. Auguste Dietrich, Félix Alcan, Paris, 1906, p. 155. On le sait qu' Emmanuel Kant appellait «immanents les principes dont l'application se tient absolument dans les bornes de l'expérience possible, et transcendants ceux qui sortent de ces limites» (Immanuel KANT, Kritik der reinen Vernunft, A 296 / B 352 = Emmanuel KANT, Critique de la raison pure, trad. André Tremesaygues et Bernard Pacaud, Félix Alcan, Paris, 1905, p. 293).
15 Yves CITTON et Frédéric LORDON (éds.), Spinoza et les sciences sociales: De la puissance de la multitude à l'économie des affects, Amsterdam, Paris, 2008.
16 Louis ALTHUSSER, Sur la philosophie, Gallimard, Paris, 1994, p. 40.
17 Pierre-Marie MOREL, La physique de Démocrite: une théorie matérialiste de la causalité, Séminaire d’Histoire du matérialisme, Centre d'histoire des philosophies modernes de la Sorbonne, 2 décembre 1998, disponible à goo.gl/JYQi9S (consulté le 9 novembre 2013).
18 Idem.
19 Idem.
20 Karl MARX, Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure, trad. Jacques Ponnier, Ducros, Bordeaux, 1970, p. 231.
21 Pierre ARTEMENKO, L'étonnement chez l'enfant, Vrin, Paris, 1977, p. 241.
22 Idem, p. 242.
23 Idem.
24 Louis ALTHUSSER, Sur la philosophie, Gallimard, Paris, 1994, p. 40.
25 André COMTE-SPONVILLE, Dictionnaire philosophique, 4e éd., Presses Universitaires de France, Paris, 2013, p. 620.
26 Yves CITTON et Frédéric LORDON (éds.), Spinoza et les sciences sociales: De la puissance de la multitude à l'économie des affects, Amsterdam, Paris, 2008, p. 4.
27 Idem.
28 Idem.
29 Idem, p. 8.
30 Michel FOUCAULT, Surveiller et punir: Naissance de la prison, Gallimard, Paris, 1975.
31 Nicolas BOUKHARINE, La théorie du matérialisme historique: Manuel populaire de sociologie marxiste, Anthropos, Paris, 1967.
32 Étienne BALIBAR, Sur les concepts fondamentaux du matérialisme historique, in Louis ALTHUSSER et Étienne BALIBAR, Lire le Capital, tome II, François Maspero, Paris, 1969, pp. 79-226: 110.
33 Georges SOREL, Le matérialisme historique (1902), in Georges SOREL, La décomposition du marxisme et autres essais, Presses universitaires de France, Paris, 1982, pp. 184-210: 202.
34 Étienne BALIBAR, Cinq Études du matérialisme historique, François Maspero, Paris, 1974, p. 229.
35 John BELLAMY FOSTER, Brett CLARK et Richard YORK, Critique of Intelligent Design: Materialism versus Creationism from Antiquity to the Present, Montly Review Press, New York, 2008, p. 101.
36 Louis ALTHUSSER, Sur la philosophie, Gallimard, Paris, 1994, p. 40.
37 Idem.
38 Δήμος Ε., Να διαβάσουμε τον Αλτουσέρ [Dimos E., Lire Althusser (en grec)], aformi.gr, 8/2/2010, disponible à goo.gl/QaKq9d.
39 Louis ALTHUSSER, Sur la philosophie, Gallimard, Paris, 1994.
40 Idem.
41 Louis ALTHUSSER, Sur la philosophie, Gallimard, Paris, 1994, p. 40.
42 Παναγιώτης ΣΩΤΗΡΗΣ, Ο υλισμός της συνάντησης: αναζητήσεις και αντιφάσεις του ύστερου Αλτουσέρ [Panagiotis Sotiris, Le matérialisme de la rencontre: recherches et contradictions d'Althusser tardif (en grec)], Κριτική-Επιστήμη & Εκπαίδευση, Vol. 4, Ν° 6, pp. 3-20: 8.
43 Pierre RAYMOND, Le passage au matérialisme: Idéalisme et matérialisme, Mathématiques et matérialisme, François Maspero, Paris, 1973, p. 162.
44 Fiodor DOSTOÏEVSKI, Les Frères Karamazov, tome II, trad. Ely Halpérine-Kaminsky et Charles Morice, Plon, Paris, 1888, p. 150.
45 Eftichios BITSAKIS, Physique contemporaine et matérialisme dialectique, Éditions sociales, Paris, 1973, p. 96.
46 Bernard GIUSTI, Langage, matérialisme et religion, La faute à Diderot, 9 novembre 2008, disponible à http://www.lafauteadiderot.net/Langage-materialisme-et-religion (consulté le 9 novembre 2013).
47 Arthur SCHOPENHAUER, Le Monde comme volonté et comme représentation, trad. par Auguste Burdeau, Librairie Félix Alcan, 1912, 6e éd., tome premier, p. 30.
48 SPINOZA, Éthique, trad. Robert Misrahi, Éditions de l'Éclat, Paris et Tel-Aviv, 2005, V, scolie de la prop. 23, p. 309.

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