JASON KOUTOUFARIS-MALANDRINOS
Comment la théorie peut-elle rencontrer la réalité, tandis que la réalité a déjà rencontré la théorie?
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How could theory meet with reality while reality has already met theory? (in French)
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How could theory meet with reality while reality has already met theory? (in French)
Je tiens avant tout à remercier le Centre de Recherche Interdisciplinaire sur la Déviance et la Pénalité et l'École doctorale pour leur invitation. Je voudrais encore remercier Mme Eleni Velentza –avec qui j'ai eu plusieurs entretiens très productifs– et vous tous qui êtes présents aujourd'hui.1
Vous connaissez peut-être un extrait de l'Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar, connu dans la bibliographie secondaire comme “l'épisode de l'œil”.2 Le protagoniste, Zénon, s'endort par hasard sur sa loupe d'herboriste. Au réveil, il aperçoit “contre son visage une bête extraordinairement mobile” et vivante, d'une forme sphérique. C'est son propre œil reflété et grossi par la loupe! Le philosophe et alchimiste continue son chemin en réfléchissant sur la nature de cet “organe petit et énorme, proche et pourtant étranger, vif mais vulnérable, doué d’imparfaite et pourtant prodigieuse puissance”. Enfin, il conclut que “comme l’œil de Dieu dans certaines estampes, cet œil humain devenait un symbole. L’important était de recueillir le peu qu’il filtrerait du monde avant qu’il fît nuit, d’en contrôler le témoignage et, s’il se pouvait, d’en rectifier les erreurs. En un sens, l’œil contrebalançait l’abîme”.
Voilà une observation perspicace! Il s'agit au fond d'une reformulation de la fameuse expression kantienne: “Des pensées sans contenu sont vides; des intuitions sans concepts sont aveugles”.3 L'œil fonde notre relation au monde, mais les données de l'oeil doivent être contrôlées et rectifées par la conscience; par ailleur, la conscience sans l'œil, oubliée dans son monde fermé, se change en un vrai abîme.
Cet abîme, je suppose, ne vous est pas inconnu. Et je parle moins de l'abysse intérieur de chaque penseur que de la croissance effrénée de la bibliographie. Souvent poussés par le besoin d'entrer ou bien survivre dans un monde académique toujours plus concurrentiel, mais parfois afin de flatter leur propre vanité ou dissimuler qu'ils n'ont rien de nouveau à dire, les intellectuels se lancent à la poursuite agitée de publications scientifiques et à la création des concepts inutiles. Le scolasticisme ne meurt jamais. Alors, comment la théorie peut-elle rencontrer la réalité, tandis que la réalité a déjà rencontré la théorie?
Foucault, Deleuze, Negri et Hardt, et d'autres encore, se sont penchés sur les concepts de la surveillance et du contrôle, et je vous épargnerai la répétition de leurs positions.
Je veux néanmoins revisiter leur concept de la “société de contrôle”, exposée plus complètement dans un texte célèbre de Gilles Deleuze, le Post-scriptum sur les sociétés de contrôle.4 C'est le même texte dont Mme Velentza vous a déjà parlé.
On trouve là-bas le triptyque “société de souveraineté–société disciplinaire–société de contrôle”. Les caractéristiques et les frontières temporelles de chaque type de société sont très vagues. Celle qui parait la plus certaine est la société disciplinaire. Elle a succédé à la société de souveraineté, “dont le but et les fonctions étaient tout autres (prélever plutôt qu'organiser la production, décider de la mort plutôt que gérer la vie)”. La société disciplinaire couvre la période depuis le dix-huitième siècle jusqu'au milieu du vingtième siècle; selon Deleuze, “Napoléon semblait opérer la grande conversion d'une société à l'autre”.
Les sociétés disciplinaires organisent prétendument des grands milieux d'enfermement à l'effet de “concentrer; répartir dans l’espace; ordonner dans le temps; composer dans l’espace-temps une force productive dont l’effet doit être supérieur à la somme des forces élémentaires”.
Pourtant dès les années après la Deuxième Guerre mondiale, “nous sommes dans une crise généralisée de tous les milieux d'enfermement, prison, hôpital, usine, école, famille”. D'après Deleuze, “nous sommes au début de quelque chose” autre: la société de contrôle.
Chacune de ces propositions est essentielle. Chacune de ces propositions est erronée.
Tout d'abord, une méconnaissance inexplicable de l'histoire est montrée.
Je vous invite à me montrer une société dans l'histoire humaine qui ne concentre pas, qui ne répartit pas dans l’espace, qui n'ordonne pas dans le temps, etc. Ou un État (ou, en tout cas, une autorité publique) qui n' organise pas la production ou qui ne gère pas la vie du peuple d'une manière ou d'une autre. Pour autant que je sache, il n'y en a aucune et aucun. Même les premiers États historiques connus en Mésopotamie, sont fondés sur la gestion des rivières et l'organisation de l'irrigation et de l'agriculture. Deleuze est pleinement conscient de cette réalité historique, car il se même réfère5 à August Wittfogel, le premier à proposer le concept de la société hydraulique.6
En outre, tous les milieux d'enfermement considerés comme des aspects singuliers du capitalisme et de la modernité, existent et prospèrent depuis longtemps.
En parlant des espaces de la Méditerranée, Maurice Aymard rappelle un proverbe kabyle (“Ta maison est ton tombeau”), pour désigner une situation souvent identifiée à tort avec l'Islam, mais qu'on retrouve identique dans la Grèce du cinquième siècle; La fécondité de la femme “en fait l'instrument de la continuité familiale, donc la dépositaire de l'honneur masculin - un honneur qui peut être atteint même par un regard. Elle donne aux hommes un pouvoir constant de surveillance, d'exclusion, de châtiment: le droit - ou plus encore le devoir- de vie et de mort, reconnu, imposé même par la coutume au mari, au père ou aux frères”.7 N'oublions pas le jugement d'Engels: “La première opposition de classe qui se manifeste dans l'histoire coïncide avec le développement de l'antagonisme entre l'homme et la femme dans le mariage conjugal, et la première oppression de classe, avec l'oppression du sexe féminin par le sexe masculin”.8 La famille (le οἶκος) n'est pas récemment devenu un milieu d'enfermement.
En ce qui concerne l'histoire de l'hôpital, les historiens –malgré les nombreux désaccords– acceptent que l'hôpital (comme un milieu d'enfermement) était présent au moins dès l'Antiquité tardive (pour ne pas remonter jusqu'aux sanctuaires d'Asclépios). Par exemple, Timothy Miller affirme que l'origine de l'hôpital moderne se trouve dans la réception du système hospitalier byzantin par l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Dans La naissance de l'hôpital à l'empire byzantin9 et, plus en détail, dans Cadavres ambulants: La lèpre à Byzance et dans l'orient médiéval,10 il adresse sa critique à Foucault en particulier. Pour plus de bibliographie sur le débat, veuillez vous référer à la contribution de James Brodman.11
L'influence chinoise sur la structure de l'enseignement occidental est bien étudiée. Deux exemples classiques sont les œuvres de Teng12 et de Pinot.13 François Quesnay avait déjà observé que “excepté la Chine, tous les royaumes ont ignoré la nécessité de cet établissement [l'enseignement public] qui est la base du gouvernement”.14 Mais la nature disciplinaire et hiérarchique du confucianisme est incontestable; l'école est un milieu d'enfermement par origine.
Les usines ont une histoire aussi longue. Emmanuel Wallerstein, l'étudiant le plus méritant de Fernand Braudel en Amérique, consacre une grande partie de son œuvre à la démystification des concepts “Révolution industrielle” et “Révolution française”. Ayant une vaste érudition, il dit: “D'un côté, on sait que il y avait eu usines (au sens de la concentration physique sous un seul toit de plusieurs travailleurs payés par un employeur) avant cette époque [l' époque de la prétendue Révolution industrielle]. D'autre côté, le degré de l'introduction du système usinaire [factory system] à ce moment peut être facilement exagéré, même pour la Grande-Bretagne”.15
De plus, il y a un débat ouvert quant à la présence des usines à l'antiquité, auquel ont participé intellectuels comme Max Weber. John Love fournit une bibliographie abondante sur le sujet.16
Le cas de la prison est exceptionel. Deleuze, en rejoignant Foucault, considère la prison comme “le milieu d'enfermement par excellence”, “le modèle analogique” des tous autres milieux.
Plusieurs historiens, à commencer par Pieter Spierenburg,17 ont contesté les avis de Foucault sur la naissance de la prison après les Lumières. Un élément primordial est la connexion entre l'incarcération pénitentiaire et le monachisme. Bien qu'il reconnaisse la vie monastique comme “le point de depart et la matrice” de la discipline,18 “Foucault a négligé”, selon une étude très récente de Julia Hillner, “le phénomène de l'enfermement monastique à l'Antiquité tardive qui renverse la notion de monastères comme des communautés homogènes de volontaires spirituellement éclairés”.19 Une bibliographie extensive est davantage disponible.20
Mais on trouve également dans le Post-scriptum des inexactitudes en ce qui concerne la définition d' une “société de contrôle”.
Selon Deleuze, dans une telle société, “le capitalisme n'est plus pour la production, qu'il relègue souvent dans la périphérie du tiers monde”, “l'entreprise a remplacé l'usine, et l'entreprise est une âme, un gaz”, et “l'homme n'est plus l'homme enfermé, mais l'homme endetté”.
Mais il oublie ce que Marx a déjà compris, que “d'une manière générale, l'esclavage camouflé des ouvriers salariés en Europe avait besoin du piedestal de l'esclavage sans phrase dans le nouveau monde”.21 Ou, par les mots d' Emmanuel Wallerstein, “leur combination est l'essence du capitalisme”. Braudel est lui-même très précis: “Les banques «centrales» surgissent à Venise (1585), à Amsterdam (1609), puis en Angleterre (1694) — ces banques centrales qui sont [...] avant tout des instruments de puissance, de domination internationale : je t'aide, je te sauve, mais je t'asservis. Impérialismes, colonialismes sont aussi vieux que le monde est monde et toute domination accentuée secrète le capitalisme”.22
Deleuze (et Foucault aussi) laissent au second plan la prémisse des chaînes de marchandises, c'est-à-dire les lignes de production de la Périphérie. La colonie précède la prison comme un milieu d'enfermement. Aujourd'hui, ma patrie gémit dans une oppression forgée pendant l'époque coloniale. J'espère qu'après quelques années, on ne verra pas dans le parc du Cinquantenaire un “Monument aux pionniers Européens en Grèce”.
Deleuze continue encore: “Partout le surf a déjà remplacé les vieux sports” [comme si la culture polynésienne, dont le surf constitue une partie intégrale, était déjà une société de contrôle], “l'entreprise ne cesse d'introduire une rivalité inexpiable” [comme si la rivalité n'existait plus auparavant!], “l'utilisation de colliers électroniques qui imposent au condamné de rester chez lui à telles heures” [comme si on a juste decouvert la résidence surveillée!], “les dissipations de frontières” [à ce moment-là, la Hongrie veut construire une clôture antimigrants à sa frontière, et on parle toujours de l'Europe Forteresse]). En dehors de ces assertions –dépassées ou ridicules– Deleuze a créé une catégorie sans contenu.
Le continuum “société de souveraineté–société disciplinaire–société de contrôle” n'est que l'histoire des idées capitalistes.
Alors, est-il absurde de discuter encore d'une “société de contrôle”? Je crois non, mais on a besoin d'un travail préliminaire: ce de donner un sens aux mots, ce de créer des concepts significatifs. Hannah Arendt peut nous offrir un point de départ.23
Arendt distingue cinq concepts qu'on ne discerne pas suffisament dans le langage courant: violence, power (pouvoir), force, authority (autorité), strength (puissance).
Elle commence par la puissance: c'est le fondement naturel, les qualités individuelles de chaque personne, tant physiques que mentales. En revanche, la violence “se distingue … par son caractère instrumental”; on l'utilise “en vue de multiplier la puissance naturelle”. D'autre part, le pouvoir “correspond à l’aptitude de l’homme à agir, et à agir de façon concertée. Le pouvoir n’est jamais une propriété individuelle ; il appartient à un groupe et continue à lui appartenir aussi longtemps que ce groupe n’est pas divisé”. Arendt déploit beaucoup d'efforts pour montrer le contraste entre le pouvoir et la violence, mais elle reconnaît deux autres phénomènes: l’autorité, qui repose au respect, et la force, qui “devrait être réservée, dans cette terminologie, à la désignation des «forces de la nature» ou de celles des «circonstances» (la force des choses), c’est-à-dire à la qualification d’une énergie qui se libère au cours de mouvements physiques ou sociaux”.
Je trouve les notes d'Arendt stimulantes. Elles nous permettent de réfléchir. Si “le pouvoir et la violence sont des opposés”, et si la violence renforce ou même remplace la puissance, pourquoi ne s'ensuit-il que le pouvoir sert à diminuer la puissance naturelle? Alors, on obtient le tableau suivant.
Vous connaissez peut-être un extrait de l'Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar, connu dans la bibliographie secondaire comme “l'épisode de l'œil”.2 Le protagoniste, Zénon, s'endort par hasard sur sa loupe d'herboriste. Au réveil, il aperçoit “contre son visage une bête extraordinairement mobile” et vivante, d'une forme sphérique. C'est son propre œil reflété et grossi par la loupe! Le philosophe et alchimiste continue son chemin en réfléchissant sur la nature de cet “organe petit et énorme, proche et pourtant étranger, vif mais vulnérable, doué d’imparfaite et pourtant prodigieuse puissance”. Enfin, il conclut que “comme l’œil de Dieu dans certaines estampes, cet œil humain devenait un symbole. L’important était de recueillir le peu qu’il filtrerait du monde avant qu’il fît nuit, d’en contrôler le témoignage et, s’il se pouvait, d’en rectifier les erreurs. En un sens, l’œil contrebalançait l’abîme”.
Voilà une observation perspicace! Il s'agit au fond d'une reformulation de la fameuse expression kantienne: “Des pensées sans contenu sont vides; des intuitions sans concepts sont aveugles”.3 L'œil fonde notre relation au monde, mais les données de l'oeil doivent être contrôlées et rectifées par la conscience; par ailleur, la conscience sans l'œil, oubliée dans son monde fermé, se change en un vrai abîme.
Cet abîme, je suppose, ne vous est pas inconnu. Et je parle moins de l'abysse intérieur de chaque penseur que de la croissance effrénée de la bibliographie. Souvent poussés par le besoin d'entrer ou bien survivre dans un monde académique toujours plus concurrentiel, mais parfois afin de flatter leur propre vanité ou dissimuler qu'ils n'ont rien de nouveau à dire, les intellectuels se lancent à la poursuite agitée de publications scientifiques et à la création des concepts inutiles. Le scolasticisme ne meurt jamais. Alors, comment la théorie peut-elle rencontrer la réalité, tandis que la réalité a déjà rencontré la théorie?
Foucault, Deleuze, Negri et Hardt, et d'autres encore, se sont penchés sur les concepts de la surveillance et du contrôle, et je vous épargnerai la répétition de leurs positions.
Je veux néanmoins revisiter leur concept de la “société de contrôle”, exposée plus complètement dans un texte célèbre de Gilles Deleuze, le Post-scriptum sur les sociétés de contrôle.4 C'est le même texte dont Mme Velentza vous a déjà parlé.
On trouve là-bas le triptyque “société de souveraineté–société disciplinaire–société de contrôle”. Les caractéristiques et les frontières temporelles de chaque type de société sont très vagues. Celle qui parait la plus certaine est la société disciplinaire. Elle a succédé à la société de souveraineté, “dont le but et les fonctions étaient tout autres (prélever plutôt qu'organiser la production, décider de la mort plutôt que gérer la vie)”. La société disciplinaire couvre la période depuis le dix-huitième siècle jusqu'au milieu du vingtième siècle; selon Deleuze, “Napoléon semblait opérer la grande conversion d'une société à l'autre”.
Les sociétés disciplinaires organisent prétendument des grands milieux d'enfermement à l'effet de “concentrer; répartir dans l’espace; ordonner dans le temps; composer dans l’espace-temps une force productive dont l’effet doit être supérieur à la somme des forces élémentaires”.
Pourtant dès les années après la Deuxième Guerre mondiale, “nous sommes dans une crise généralisée de tous les milieux d'enfermement, prison, hôpital, usine, école, famille”. D'après Deleuze, “nous sommes au début de quelque chose” autre: la société de contrôle.
Chacune de ces propositions est essentielle. Chacune de ces propositions est erronée.
Tout d'abord, une méconnaissance inexplicable de l'histoire est montrée.
Je vous invite à me montrer une société dans l'histoire humaine qui ne concentre pas, qui ne répartit pas dans l’espace, qui n'ordonne pas dans le temps, etc. Ou un État (ou, en tout cas, une autorité publique) qui n' organise pas la production ou qui ne gère pas la vie du peuple d'une manière ou d'une autre. Pour autant que je sache, il n'y en a aucune et aucun. Même les premiers États historiques connus en Mésopotamie, sont fondés sur la gestion des rivières et l'organisation de l'irrigation et de l'agriculture. Deleuze est pleinement conscient de cette réalité historique, car il se même réfère5 à August Wittfogel, le premier à proposer le concept de la société hydraulique.6
En outre, tous les milieux d'enfermement considerés comme des aspects singuliers du capitalisme et de la modernité, existent et prospèrent depuis longtemps.
En parlant des espaces de la Méditerranée, Maurice Aymard rappelle un proverbe kabyle (“Ta maison est ton tombeau”), pour désigner une situation souvent identifiée à tort avec l'Islam, mais qu'on retrouve identique dans la Grèce du cinquième siècle; La fécondité de la femme “en fait l'instrument de la continuité familiale, donc la dépositaire de l'honneur masculin - un honneur qui peut être atteint même par un regard. Elle donne aux hommes un pouvoir constant de surveillance, d'exclusion, de châtiment: le droit - ou plus encore le devoir- de vie et de mort, reconnu, imposé même par la coutume au mari, au père ou aux frères”.7 N'oublions pas le jugement d'Engels: “La première opposition de classe qui se manifeste dans l'histoire coïncide avec le développement de l'antagonisme entre l'homme et la femme dans le mariage conjugal, et la première oppression de classe, avec l'oppression du sexe féminin par le sexe masculin”.8 La famille (le οἶκος) n'est pas récemment devenu un milieu d'enfermement.
En ce qui concerne l'histoire de l'hôpital, les historiens –malgré les nombreux désaccords– acceptent que l'hôpital (comme un milieu d'enfermement) était présent au moins dès l'Antiquité tardive (pour ne pas remonter jusqu'aux sanctuaires d'Asclépios). Par exemple, Timothy Miller affirme que l'origine de l'hôpital moderne se trouve dans la réception du système hospitalier byzantin par l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Dans La naissance de l'hôpital à l'empire byzantin9 et, plus en détail, dans Cadavres ambulants: La lèpre à Byzance et dans l'orient médiéval,10 il adresse sa critique à Foucault en particulier. Pour plus de bibliographie sur le débat, veuillez vous référer à la contribution de James Brodman.11
L'influence chinoise sur la structure de l'enseignement occidental est bien étudiée. Deux exemples classiques sont les œuvres de Teng12 et de Pinot.13 François Quesnay avait déjà observé que “excepté la Chine, tous les royaumes ont ignoré la nécessité de cet établissement [l'enseignement public] qui est la base du gouvernement”.14 Mais la nature disciplinaire et hiérarchique du confucianisme est incontestable; l'école est un milieu d'enfermement par origine.
Les usines ont une histoire aussi longue. Emmanuel Wallerstein, l'étudiant le plus méritant de Fernand Braudel en Amérique, consacre une grande partie de son œuvre à la démystification des concepts “Révolution industrielle” et “Révolution française”. Ayant une vaste érudition, il dit: “D'un côté, on sait que il y avait eu usines (au sens de la concentration physique sous un seul toit de plusieurs travailleurs payés par un employeur) avant cette époque [l' époque de la prétendue Révolution industrielle]. D'autre côté, le degré de l'introduction du système usinaire [factory system] à ce moment peut être facilement exagéré, même pour la Grande-Bretagne”.15
De plus, il y a un débat ouvert quant à la présence des usines à l'antiquité, auquel ont participé intellectuels comme Max Weber. John Love fournit une bibliographie abondante sur le sujet.16
Le cas de la prison est exceptionel. Deleuze, en rejoignant Foucault, considère la prison comme “le milieu d'enfermement par excellence”, “le modèle analogique” des tous autres milieux.
Plusieurs historiens, à commencer par Pieter Spierenburg,17 ont contesté les avis de Foucault sur la naissance de la prison après les Lumières. Un élément primordial est la connexion entre l'incarcération pénitentiaire et le monachisme. Bien qu'il reconnaisse la vie monastique comme “le point de depart et la matrice” de la discipline,18 “Foucault a négligé”, selon une étude très récente de Julia Hillner, “le phénomène de l'enfermement monastique à l'Antiquité tardive qui renverse la notion de monastères comme des communautés homogènes de volontaires spirituellement éclairés”.19 Une bibliographie extensive est davantage disponible.20
Mais on trouve également dans le Post-scriptum des inexactitudes en ce qui concerne la définition d' une “société de contrôle”.
Selon Deleuze, dans une telle société, “le capitalisme n'est plus pour la production, qu'il relègue souvent dans la périphérie du tiers monde”, “l'entreprise a remplacé l'usine, et l'entreprise est une âme, un gaz”, et “l'homme n'est plus l'homme enfermé, mais l'homme endetté”.
Mais il oublie ce que Marx a déjà compris, que “d'une manière générale, l'esclavage camouflé des ouvriers salariés en Europe avait besoin du piedestal de l'esclavage sans phrase dans le nouveau monde”.21 Ou, par les mots d' Emmanuel Wallerstein, “leur combination est l'essence du capitalisme”. Braudel est lui-même très précis: “Les banques «centrales» surgissent à Venise (1585), à Amsterdam (1609), puis en Angleterre (1694) — ces banques centrales qui sont [...] avant tout des instruments de puissance, de domination internationale : je t'aide, je te sauve, mais je t'asservis. Impérialismes, colonialismes sont aussi vieux que le monde est monde et toute domination accentuée secrète le capitalisme”.22
Deleuze (et Foucault aussi) laissent au second plan la prémisse des chaînes de marchandises, c'est-à-dire les lignes de production de la Périphérie. La colonie précède la prison comme un milieu d'enfermement. Aujourd'hui, ma patrie gémit dans une oppression forgée pendant l'époque coloniale. J'espère qu'après quelques années, on ne verra pas dans le parc du Cinquantenaire un “Monument aux pionniers Européens en Grèce”.
Deleuze continue encore: “Partout le surf a déjà remplacé les vieux sports” [comme si la culture polynésienne, dont le surf constitue une partie intégrale, était déjà une société de contrôle], “l'entreprise ne cesse d'introduire une rivalité inexpiable” [comme si la rivalité n'existait plus auparavant!], “l'utilisation de colliers électroniques qui imposent au condamné de rester chez lui à telles heures” [comme si on a juste decouvert la résidence surveillée!], “les dissipations de frontières” [à ce moment-là, la Hongrie veut construire une clôture antimigrants à sa frontière, et on parle toujours de l'Europe Forteresse]). En dehors de ces assertions –dépassées ou ridicules– Deleuze a créé une catégorie sans contenu.
Le continuum “société de souveraineté–société disciplinaire–société de contrôle” n'est que l'histoire des idées capitalistes.
Alors, est-il absurde de discuter encore d'une “société de contrôle”? Je crois non, mais on a besoin d'un travail préliminaire: ce de donner un sens aux mots, ce de créer des concepts significatifs. Hannah Arendt peut nous offrir un point de départ.23
Arendt distingue cinq concepts qu'on ne discerne pas suffisament dans le langage courant: violence, power (pouvoir), force, authority (autorité), strength (puissance).
Elle commence par la puissance: c'est le fondement naturel, les qualités individuelles de chaque personne, tant physiques que mentales. En revanche, la violence “se distingue … par son caractère instrumental”; on l'utilise “en vue de multiplier la puissance naturelle”. D'autre part, le pouvoir “correspond à l’aptitude de l’homme à agir, et à agir de façon concertée. Le pouvoir n’est jamais une propriété individuelle ; il appartient à un groupe et continue à lui appartenir aussi longtemps que ce groupe n’est pas divisé”. Arendt déploit beaucoup d'efforts pour montrer le contraste entre le pouvoir et la violence, mais elle reconnaît deux autres phénomènes: l’autorité, qui repose au respect, et la force, qui “devrait être réservée, dans cette terminologie, à la désignation des «forces de la nature» ou de celles des «circonstances» (la force des choses), c’est-à-dire à la qualification d’une énergie qui se libère au cours de mouvements physiques ou sociaux”.
Je trouve les notes d'Arendt stimulantes. Elles nous permettent de réfléchir. Si “le pouvoir et la violence sont des opposés”, et si la violence renforce ou même remplace la puissance, pourquoi ne s'ensuit-il que le pouvoir sert à diminuer la puissance naturelle? Alors, on obtient le tableau suivant.
PUISS |
ANCE |
MULTIPLICATION |
DIMINUTION |
Violence |
Pouvoir |
Toutefois, on a laissé des questions ouvertes.
D'abord, quelle est la relation entre la puissance et la force ou l’autorité (qui restent hors du tableau)?
Arendt est très claire sur ce point: l'autorité est peut-être incompatible avec un certain type de persuasion, c'est-à-dire “la persuasion qui présuppose l'égalité et opère par un processus d'argumentation”, “la persuasion par arguments”, mais, en même temps, elle “exclut l'usage de moyens extérieurs de coercition; là où la force est employée, l'autorité proprement dite a échoué”.24 En ce cas, on peut placer l'autorité à la colonne de la diminution de la puissance.
Je crois qu'il en va de même pour la force. Contrairement à l'autorité, la force est le mot le moins élaboré qu'Arendt a employé. Cependant, quoiqu'on l'utilise “souvent comme synonyme de violence”, elle reste essentiellement non-instrumentale, et donc contradictoire avec la violence.
Notre tableau est maintenant modifié comme suit.
D'abord, quelle est la relation entre la puissance et la force ou l’autorité (qui restent hors du tableau)?
Arendt est très claire sur ce point: l'autorité est peut-être incompatible avec un certain type de persuasion, c'est-à-dire “la persuasion qui présuppose l'égalité et opère par un processus d'argumentation”, “la persuasion par arguments”, mais, en même temps, elle “exclut l'usage de moyens extérieurs de coercition; là où la force est employée, l'autorité proprement dite a échoué”.24 En ce cas, on peut placer l'autorité à la colonne de la diminution de la puissance.
Je crois qu'il en va de même pour la force. Contrairement à l'autorité, la force est le mot le moins élaboré qu'Arendt a employé. Cependant, quoiqu'on l'utilise “souvent comme synonyme de violence”, elle reste essentiellement non-instrumentale, et donc contradictoire avec la violence.
Notre tableau est maintenant modifié comme suit.
PUISS |
ANCE |
MULTIPLICATION |
DIMINUTION |
Pouvoir |
|
Violence |
Autorité |
' |
Force |
Vous constatez que cette classification tripartite des modes par lesquels on pourrait affaiblir la puissance, rappelle le schéma des trois durées de Fernand Braudel.
La force est impersonnelle. Elle marque les interactions entre un système social et son environnement, soit naturel soit social. C'est la longue durée.25
L'autorité remonte à un passé lointain; elle revendique une tradition riche, une continuité respectueuse. Ce mot vient du verbe latin augeo, c'est-à-dire “augmenter”, “développer”. Le temps de l'autorité est le temps social, le temps des conjonctures et des identités sociales.
Le pouvoir est plus ou moins événementiel; il se constitue aujourd'hui, en ouvrant des perspectives pour l'avenir. Pouvoir et potentialité partagent la même origine.26
La force est impersonnelle. Elle marque les interactions entre un système social et son environnement, soit naturel soit social. C'est la longue durée.25
L'autorité remonte à un passé lointain; elle revendique une tradition riche, une continuité respectueuse. Ce mot vient du verbe latin augeo, c'est-à-dire “augmenter”, “développer”. Le temps de l'autorité est le temps social, le temps des conjonctures et des identités sociales.
Le pouvoir est plus ou moins événementiel; il se constitue aujourd'hui, en ouvrant des perspectives pour l'avenir. Pouvoir et potentialité partagent la même origine.26
PUISS |
ANCE |
' |
MULTIPLICATION |
DIMINUTION |
TEMPS |
Pouvoir |
Événementiel |
|
Violence |
Autorité |
Conjoncturel |
Force |
Structurel |
Un nouveau problème surgit. Si les moyens de diminuer la puissance se classifient dans un ordre temporel, pourquoi ne pas arranger les moyens de multiplier la puissance dans un ordre pareil? Mais, il y a un seul moyen: la violence. Eh bien, peut-être ce n'est pas correct. Arendt n'a pas différencié son concept de violence. Une bagarre entre deux individus, l'infliction d'une peine par le juge, l'espionage, la discrimination, la guerre, et autres situations diverses se bousculent sous le même titre.
Dans le double objectif d'approfondir notre schéma, mais, de maintenir, en même temps, la distinction fondamentale d'Arendt, il faut qu'on limite la polysémie du mot “violence” et qu'on garde le sens profond, c’est-à-dire la violence directe, la violence physique.
Comment peut-on spécifier la multiplication de la puissance au niveau conjocturel et structurel? Je suis disposé à adopter les termes répression et contrainte respectivement. Dans ce point de vue, Arendt nomme l'espèce pour signifier le genre; nous avons affaire à un cas typique de synecdoque.
Le tableau devient enfin comme ça.
Dans le double objectif d'approfondir notre schéma, mais, de maintenir, en même temps, la distinction fondamentale d'Arendt, il faut qu'on limite la polysémie du mot “violence” et qu'on garde le sens profond, c’est-à-dire la violence directe, la violence physique.
Comment peut-on spécifier la multiplication de la puissance au niveau conjocturel et structurel? Je suis disposé à adopter les termes répression et contrainte respectivement. Dans ce point de vue, Arendt nomme l'espèce pour signifier le genre; nous avons affaire à un cas typique de synecdoque.
Le tableau devient enfin comme ça.
' |
PUISS |
ANCE |
TEMPS |
MULTIPLICATION |
DIMINUTION |
Événementiel |
Violence |
Pouvoir |
Conjoncturel |
Répression |
Autorité |
Structurel |
Contrainte |
Force |
Permettez-moi maintenant d'interpréter le tableau par quelques exemples.
Quand un policier frappe un manifestant avec sa matraque, c'est la violence.
Quand les manifestants forment une chaîne humaine contre les policiers, c'est le pouvoir.
Quand l'Union Européenne et le Fonds monétaire international exploitent la crise de la dette publique pour imposer à la Grece l'austérité, c'est la répression.
Quand le Parlement grec conclut que la dette grecque est “illégale, illégitime, odieuse et insoutenable”, c'est l'autorité.
Quand on est obligé de faire confiance aux agences de notation financière (organisations ni élues ni convenues ni responsables), c'est la contrainte.
Quand les gouvernements tentent à réglementer les agences, mais ils ne peuvent pas, et ça aggrave une situation déjà chaotique, c'est la force.
J'imagine que, si on voudrait conserver le terme “société de contrôle”, ce serait afin de décrire un système social bâti sur la multiplication de la puissance. D'autre part, on pourrait nommer les systèmes sociaux qui se basent sur la diminution de la puissance, “société d'échec” ou, en utilisant un terme plus anglicisé, “société de check” [aujourd'hui, la locution “tenir en échec” évoque encore l'origine “échequiste” du mot].
Le contrôle indique une volonté de domination totale; la réalité doit se conformer à l'esprit et la volonté du contrôleur.27 Au contraire, le check fonctionne plutôt comme un rempart, un conseil, un avertissement. C'est dans la logique du jeu d’échecs; le roi n'est jamais capturé effectivement. On ne domine pas le roi, on n'extermine pas le roi; on limite le roi jusqu'au point qu'aucune parade n'est possible.
Grosso-modo, on pourrait dire que le contrôle est une relation entre un sujet et un objet, un maître et un esclave, tandis que le check est une relation entre hommes et femmes libres.
Je n’ai même pas encore mentionné le concept de surveillance. Je la perçois, en partageant l'avis de Foucault, comme une technique de contrôle, plus précisément comme la technique qui nécessite une personne de se comporter d'une certaine manière par crainte d'être visible.
Il faut bien distinguer la surveillance de l'espionnage. Leur différence est la connaissance. Le surveillé connaît qu'il est surveillé, l'espionné ne connaît pas. C'est à cause d'une logique différente: la surveillance vise l'auto-discipline du surveillé (“Je te vois, alors adapte-toi”), l'espionnage vise la collecte des informations. La surveillance est une technique de répression. L'espionage est une technique secondaire de violence.28
La surveillance globale, relève de la notion de l'espionage, mais je crois que c'est une technique irrationnelle. Dans un monde où chaque information est précieuse, la collecte et l'analyse propre des données est impossible ou, au moins, trop chère pour la risquer ou en persister effectivement. Le Centre de données de l'Utah (Utah Data Center) aux États-Unis couvre déjà une surface de 100.000 m2, avec le coût total de l'installation estimé à 3,2 milliards de dollars. Et il y a aussi les “phénomènes Snowden, Assange, etc.”.
Pourtant, la diffusion d' informations concernant la grandeur de ce système peut servir un but séparé, en provoquant un sentiment d’infériorité et de compromis vis-à-vis la réalité. Le cynisme est la meilleure technique de contrainte.
Juste un bref commentaire sur l'histoire du mot “surveillance”. Léonard Snetlage observe en 1795 que “ce beau substantif ne laisse d'être nouveau, quoique surveiller et surveillant soient d'ancienne date”.29 C'est correct, et même Giacomo Casanova dans son critique sévère30 ne le nie pas. Surveillant, dans le sens plus ancien du mot, n'est pas un surveilleur (si on peut utiliser ce mot), mais l'homme qui est vigilant, attentif, soigneux. En 1690, Antoine Furetière a donné une définition excellente: Surveillant “est celuy qui surveille, qui a besoin de quelques personnes”.31 Dans la même veine, une des premières, à ma connaissance, références écrites au verbe “surveiller” peut être trouvée dans un livre de 1556. On lit: “… quand la maison de notre [sic] voisin brule, nous auons ocasion de creindre & de surueiller”.32 Rappelez-vous que la valeur de la femme (et pas son infériorité) justifiait son enfermement.
Au fil de temps, les surveillants sont plus effrayés que les surveillés.
La conceptualisation consiste à créer des idées, à employer des mots, et à … critiquer les autres. Vous voyez que j'ai essayé de tout faire!
Ce processus, je pense, doit respecter une déontologie à l’égard de notre orientation:
1. Il faut retenir, dans la mesure du possible, le contenu sémantique, historique et étymologique d'un mot. On se tourne vers le passé.
2. Il faut offrir une service adaptée aux besoins de nos contemporains, c'est-à-dire être entendus et présenter avec exactitude une certaine réalité. On se tourne vers le présent.
3. Il faut moraliser (ou mieux, ethiciser) nos idées: élever nos théories sur quelques valeurs, sur un certain engagement. On se tourne vers l'avenir.
J'ai commencé par un extrait de Yourcenar, une Belge devenue Française; alors, permettez-moi de conclure avec un problème grec devenu louvaniste. C'est le problème des futurs contingents.
Aristote fut le premier à l'examiner, mais, à l'Université de Louvain, il y a 550 ans (en 1465), une querelle a éclaté autour de ceci entre Pierre de Rivo, professeur de rhétorique, et Henri de Zomeren, professeur de théologie. Je ne vais pas vous assommer de détails médiévaux.
Prenons l'exemple original d'Aristote:33 il y aura une bataille navale demain ou il n'y aura pas de bataille navale demain. Conformément au principe de non-contradiction, l'une proposition est vraie et l'autre fausse. Disons que la première proposition est vraie, alors il y aura une bataille navale demain. Vraie aujourd'hui, elle était aussi vraie hier, elle était vraie dix mille ans auparavant, elle fut vraie de tout temps. Mais, ce qui est fait ne peut être défait, et la vérité est inconditionnelle. Par consequence, si la proposition est vraie, la bataille navale aura lieu demain nécessairement.
Aristote propose de contourner la principe de bivalence et d'accepter –outre les valeurs vrai ou faux– la contingence de l'avenir; Pierre de Rivo a comparé cette nouvelle catégorie à un chiot, qui, jusqu' au jour où apparaît la vue, n'est ni aveugle ni voyant.34
Le problème des futurs contingents fait entrer le sujet du déterminisme et de la liberté.
Dans son Postscriptum, Deleuze parle de “forces nouvelles”, qui vont s'installer (ou leur installation est déjà complète?, ce n'est pas clair) sous la forme d'une société de contrôle, et il nous invite à “chercher de nouvelles armes”. Mais des armes contre qui? Quelles sont les “nouvelles forces”? Et, enfin, qui sommes-nous?
Après “la mort de l'homme”, il ne reste que des “pouvoirs” et “micro-pouvoirs” sans différenciation. Mais la résistance consciente contre les “forces” présuppose un sujet; l'action a besoin d'un agent. Au moment où Deleuze est certain que “nous sommes au début de quelque chose”, il condamne notre capacité d'être libres, notre capacité d'agir (pour évoquer une idée déjà analysée par M. Kaminski au début du séminaire);35 il accepte que les “nouvelles forces” auront toujours une longueur d’avance sur les opprimés.
Enfin, je pense avec Épicure “qu’il vaut mieux échouer par mauvaise fortune, après avoir bien raisonné, que réussir par heureuse fortune, après avoir mal raisonné”.36
Quand un policier frappe un manifestant avec sa matraque, c'est la violence.
Quand les manifestants forment une chaîne humaine contre les policiers, c'est le pouvoir.
Quand l'Union Européenne et le Fonds monétaire international exploitent la crise de la dette publique pour imposer à la Grece l'austérité, c'est la répression.
Quand le Parlement grec conclut que la dette grecque est “illégale, illégitime, odieuse et insoutenable”, c'est l'autorité.
Quand on est obligé de faire confiance aux agences de notation financière (organisations ni élues ni convenues ni responsables), c'est la contrainte.
Quand les gouvernements tentent à réglementer les agences, mais ils ne peuvent pas, et ça aggrave une situation déjà chaotique, c'est la force.
J'imagine que, si on voudrait conserver le terme “société de contrôle”, ce serait afin de décrire un système social bâti sur la multiplication de la puissance. D'autre part, on pourrait nommer les systèmes sociaux qui se basent sur la diminution de la puissance, “société d'échec” ou, en utilisant un terme plus anglicisé, “société de check” [aujourd'hui, la locution “tenir en échec” évoque encore l'origine “échequiste” du mot].
Le contrôle indique une volonté de domination totale; la réalité doit se conformer à l'esprit et la volonté du contrôleur.27 Au contraire, le check fonctionne plutôt comme un rempart, un conseil, un avertissement. C'est dans la logique du jeu d’échecs; le roi n'est jamais capturé effectivement. On ne domine pas le roi, on n'extermine pas le roi; on limite le roi jusqu'au point qu'aucune parade n'est possible.
Grosso-modo, on pourrait dire que le contrôle est une relation entre un sujet et un objet, un maître et un esclave, tandis que le check est une relation entre hommes et femmes libres.
Je n’ai même pas encore mentionné le concept de surveillance. Je la perçois, en partageant l'avis de Foucault, comme une technique de contrôle, plus précisément comme la technique qui nécessite une personne de se comporter d'une certaine manière par crainte d'être visible.
Il faut bien distinguer la surveillance de l'espionnage. Leur différence est la connaissance. Le surveillé connaît qu'il est surveillé, l'espionné ne connaît pas. C'est à cause d'une logique différente: la surveillance vise l'auto-discipline du surveillé (“Je te vois, alors adapte-toi”), l'espionnage vise la collecte des informations. La surveillance est une technique de répression. L'espionage est une technique secondaire de violence.28
La surveillance globale, relève de la notion de l'espionage, mais je crois que c'est une technique irrationnelle. Dans un monde où chaque information est précieuse, la collecte et l'analyse propre des données est impossible ou, au moins, trop chère pour la risquer ou en persister effectivement. Le Centre de données de l'Utah (Utah Data Center) aux États-Unis couvre déjà une surface de 100.000 m2, avec le coût total de l'installation estimé à 3,2 milliards de dollars. Et il y a aussi les “phénomènes Snowden, Assange, etc.”.
Pourtant, la diffusion d' informations concernant la grandeur de ce système peut servir un but séparé, en provoquant un sentiment d’infériorité et de compromis vis-à-vis la réalité. Le cynisme est la meilleure technique de contrainte.
Juste un bref commentaire sur l'histoire du mot “surveillance”. Léonard Snetlage observe en 1795 que “ce beau substantif ne laisse d'être nouveau, quoique surveiller et surveillant soient d'ancienne date”.29 C'est correct, et même Giacomo Casanova dans son critique sévère30 ne le nie pas. Surveillant, dans le sens plus ancien du mot, n'est pas un surveilleur (si on peut utiliser ce mot), mais l'homme qui est vigilant, attentif, soigneux. En 1690, Antoine Furetière a donné une définition excellente: Surveillant “est celuy qui surveille, qui a besoin de quelques personnes”.31 Dans la même veine, une des premières, à ma connaissance, références écrites au verbe “surveiller” peut être trouvée dans un livre de 1556. On lit: “… quand la maison de notre [sic] voisin brule, nous auons ocasion de creindre & de surueiller”.32 Rappelez-vous que la valeur de la femme (et pas son infériorité) justifiait son enfermement.
Au fil de temps, les surveillants sont plus effrayés que les surveillés.
La conceptualisation consiste à créer des idées, à employer des mots, et à … critiquer les autres. Vous voyez que j'ai essayé de tout faire!
Ce processus, je pense, doit respecter une déontologie à l’égard de notre orientation:
1. Il faut retenir, dans la mesure du possible, le contenu sémantique, historique et étymologique d'un mot. On se tourne vers le passé.
2. Il faut offrir une service adaptée aux besoins de nos contemporains, c'est-à-dire être entendus et présenter avec exactitude une certaine réalité. On se tourne vers le présent.
3. Il faut moraliser (ou mieux, ethiciser) nos idées: élever nos théories sur quelques valeurs, sur un certain engagement. On se tourne vers l'avenir.
J'ai commencé par un extrait de Yourcenar, une Belge devenue Française; alors, permettez-moi de conclure avec un problème grec devenu louvaniste. C'est le problème des futurs contingents.
Aristote fut le premier à l'examiner, mais, à l'Université de Louvain, il y a 550 ans (en 1465), une querelle a éclaté autour de ceci entre Pierre de Rivo, professeur de rhétorique, et Henri de Zomeren, professeur de théologie. Je ne vais pas vous assommer de détails médiévaux.
Prenons l'exemple original d'Aristote:33 il y aura une bataille navale demain ou il n'y aura pas de bataille navale demain. Conformément au principe de non-contradiction, l'une proposition est vraie et l'autre fausse. Disons que la première proposition est vraie, alors il y aura une bataille navale demain. Vraie aujourd'hui, elle était aussi vraie hier, elle était vraie dix mille ans auparavant, elle fut vraie de tout temps. Mais, ce qui est fait ne peut être défait, et la vérité est inconditionnelle. Par consequence, si la proposition est vraie, la bataille navale aura lieu demain nécessairement.
Aristote propose de contourner la principe de bivalence et d'accepter –outre les valeurs vrai ou faux– la contingence de l'avenir; Pierre de Rivo a comparé cette nouvelle catégorie à un chiot, qui, jusqu' au jour où apparaît la vue, n'est ni aveugle ni voyant.34
Le problème des futurs contingents fait entrer le sujet du déterminisme et de la liberté.
Dans son Postscriptum, Deleuze parle de “forces nouvelles”, qui vont s'installer (ou leur installation est déjà complète?, ce n'est pas clair) sous la forme d'une société de contrôle, et il nous invite à “chercher de nouvelles armes”. Mais des armes contre qui? Quelles sont les “nouvelles forces”? Et, enfin, qui sommes-nous?
Après “la mort de l'homme”, il ne reste que des “pouvoirs” et “micro-pouvoirs” sans différenciation. Mais la résistance consciente contre les “forces” présuppose un sujet; l'action a besoin d'un agent. Au moment où Deleuze est certain que “nous sommes au début de quelque chose”, il condamne notre capacité d'être libres, notre capacité d'agir (pour évoquer une idée déjà analysée par M. Kaminski au début du séminaire);35 il accepte que les “nouvelles forces” auront toujours une longueur d’avance sur les opprimés.
Enfin, je pense avec Épicure “qu’il vaut mieux échouer par mauvaise fortune, après avoir bien raisonné, que réussir par heureuse fortune, après avoir mal raisonné”.36
NOTES
1 Présentation orale au Séminaire “Surveillance et contrôle : (dé)mystification des concepts”, organisé par le Centre de Recherche Interdisciplinaire sur la Déviance et la Pénalité (CRID&P) à l'Université Catholique de Louvain, 13 novembre 2015. Voyez à https://www.uclouvain.be/529699.html.
2 Marguerite YOURCENAR, L’Œuvre au Noir, Gallimard, Paris, 1971, p. 197-198.
3 Immanuel KANT, Critique de la raison pure, trad. F. Marty, dans Œuvres philosophiques, tome I, Paris, 1980, A 51/ B 75, p. 812.
4 Gilles DELEUZE, Post-scriptum sur les sociétés de contrôle, in Gilles DELEUZE, Pourparlers 1972-1990, Les Éditions de Minuit, Paris, 2003 [1990], pp. 240-247.
5 Gilles Deleuze et Félix Guattari, Capitalisme et schizophrénie ΙΙ: Milles Plateaux, Éditions de Minuit, Paris, 1980, p. 30, 449, 533.
6 August WITTFOGEL, Le Despotisme oriental: Étude comparative du pouvoir total, trad. par M. Pouteau, Éditions de Minuit, Paris, 1977 [1957].
7 Maurice AYMARD, Espaces, in Fernand BRAUDEL (dir.), La Méditerranée: L'espace et l'histoire, Champs, Flammarion, Paris, 1985, p. 210.
8 Friedrich ENGELS, L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État, in Karl MARX-Friedrich ENGELS, Œuvres choisies en deux volumes, vol. II, Éditions du Progrès, Moscou, 1976, p. 240.
9 Timothy S. MILLER, The Birth of the Hospital in the Byzantine Empire, John Hopkins University Press, Baltimore and London, 1997.
10 Timothy S. MILLER-John W. NESBITT, Walking Corpses: Leprosy in Byzantium and the Medieval West, Cornell University Press, Ithaca and London, 2014.
11 James BRODMAN, Hospitals in the Middle Ages, in Carol LANSING and Edward D. ENGLISH (dir.), A companion to the Medieval World, Wiley-Blackwell, 2009, p. 264.
12 Ssu-yü TÊNG, Chinese Influence on The Western Examination System, Harvard Journal of Asiatic Studies, Vol. 7, No. 4 (Sep., 1943), pp. 267-312.
13 Virgile PINOT, La Chine et la formation de l'esprit philosophique en France (1640-1740), 1932.
14 François QUESNAY, Le despotisme de la Chine, in Christine THÉRÉ, Loïc CHARLES and Jean-Claude PERROT (dir.), François Quesnay, Œuvres économiques complètes et autres textes, tome second, Institut national d'études demographiques, Paris, 2005, p. 1014.
15 Immanuel WALLERSTEIN, The Modern World-System III: The Second Era f Great Expansion of the Capitalist World-Economy, 1730s-1840s, University of California Press, Berkeley, 2011 [1989], p. 28.
16 John R. LOVE, Antiquity and Capitalism: Max Weber and the Sociological Foundations of Roman Civilization, Routledge, New York, 2005 [1991].
17 Pieter SPIERENBURG, The Prison Experience: Disciplinary Institutions and Their Inmates in Early Modern Europe, Amsterdam Academic Archive, 2007 [1991].
18 Michel FOUCAULT, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France, 1977–1978, Gallimard/Seuil, Paris, 2004, p. 48.
19 Julia HILLNER, Prison, Punishment and Penance in Late Antiquity, Cambridge University Press, Cambridge, 2015, p. 349.
20 Pierre DEYON, Les temps des prisons. Essai sur l'histoire de la délinquance et les origines du système pénitentiaire, Université de Lille III-Editions Universitaires, Lille, 1975; Jacques-Guy PETIT et al., Histoire des galères, bagnes et prisons, XIIIe-XXe siecles: Introduction à l'histoire pénale de la France, Privat, Toulouse, 1991; Norbert FINZSCH-Robert JÜTTE (dir.), Institutions of Confinement: Hospitals, Asylums, and Prisons in Western Europe and North America, 1500-1950, Cambridge University Press, Cambridge, 1996; Albrecht CLASSEN-Connie SCARBOROUGH (dir.), Crime and Punishment in the Middle Ages and Early Modern Age: Mental-Historical Investigations of Basic Human Problems and Social Responses, De Gruyter, Berlin, 2012; Ulrich L. LEHNER, Monastic Prisons and Torture Chambers: Crime and Punishment in Central European Monasteries, 1600-1800, Cascade Books, Eugene, Oregon, 2013.
21 Karl MARX, Le Capital, tome I, Quadrige/ Presses Universitaires de France, Paris, 1993, p. 853.
22 Fernand BRAUDEL, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle, III: Le temps du monde, Armand Colin, Paris, 1979, p. 251.
23 Hannah ARENDT, Sur la violence, in Hannah ARENDT, Du Mensonge à la violence: Essais de politique contemporaine, trad. G. Durand, Paris, Éditions Calmann-Lévy, 1972, pp. 143-145.
24 Hannah ARENDT, Qu'est-ce que l'autorité?, in Hannah ARENDT, La crise de la culture, trad. P. Lévy, Gallimard, Paris, 1972, p. 123.
25 N'oublions pas l'étymologie: un nom commun issu du latin fors, qui signifie l'hasard, la fortune.
26 Du latin possum, potentia, etc.. Cf. les termes juridiques in esse et in posse.
27 Rappelez-vous que le mot contrôle vient de l'ancien mot français contrerole. Dans son sens ancien, contrôle était le “registre double qu'on tient pour la vérification d'un autre” (Émile LITTRÉ, Dictionnaire de la langue française, tome premier (A-C), Librairie Hachette et Cie, Paris, 1873, lemme contrôle, p. 789). Voyez aussi Fréderic GODEFROY, Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle – Complément, tome neuvième, lemmes contreroller et contrerolleur, p. 186.
28 Une technique primaire est, par excellence, l'utilisation des armes.
29 Leonard SNETLAGE, Nouveau dictionnaire francais contenant les éxpressions de nouvelle création du Peuple Français etc., Gottingue, Dieterich, 1795, p. 215.
30 Giacomo CASANOVA, À Léonard Snetlage, docteur en droit de l'Université de Gottingue, Jacques Casanova, docteur en droit de l'Université de Padoue, 1797.
31 Antoine FURÈTIERE, Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts, tome troisième, Haye et Rotterdam, Arnout et Reinier Leers, 1690.
32 André THEUET [Thevet], Cosmographie De Levant, Reuue & augmentée de plusieurs figures, Ian de Tovrnes et Gvil. Gazeav, Lion, 1556, p. 94. À titre incident, Thevet était un explorateur et, possiblement, un espion pour la France.
33 Aristotle, Περί Ἑρμηνείας [De l'interprétation], 18 b 23 et ss.
34 Pierre DE RIVO, Questio quodlibetica Petri de Rivo, in Léon BAUDRY, La querelle des futurs contingents: (Louvain, 1465-1475), Vrin, Paris, 1950, p. 71. La traduction est la mienne.
35 Dan KAMINSKI, Critique de la critique de la critique: Simon Green et le “pouvoir” de la criminologie, Présentation orale, Séminaire Surveillance et Contrôle: (dé)mystification des concepts, Université Catholique de Louvain, 13 novembre 2015.
36 ÉPICURE, Lettre à Ménécée, 135, trad. O. Hamelin, Revue de Métaphysique et de Morale, 18, 1910, p. 397-440.
2 Marguerite YOURCENAR, L’Œuvre au Noir, Gallimard, Paris, 1971, p. 197-198.
3 Immanuel KANT, Critique de la raison pure, trad. F. Marty, dans Œuvres philosophiques, tome I, Paris, 1980, A 51/ B 75, p. 812.
4 Gilles DELEUZE, Post-scriptum sur les sociétés de contrôle, in Gilles DELEUZE, Pourparlers 1972-1990, Les Éditions de Minuit, Paris, 2003 [1990], pp. 240-247.
5 Gilles Deleuze et Félix Guattari, Capitalisme et schizophrénie ΙΙ: Milles Plateaux, Éditions de Minuit, Paris, 1980, p. 30, 449, 533.
6 August WITTFOGEL, Le Despotisme oriental: Étude comparative du pouvoir total, trad. par M. Pouteau, Éditions de Minuit, Paris, 1977 [1957].
7 Maurice AYMARD, Espaces, in Fernand BRAUDEL (dir.), La Méditerranée: L'espace et l'histoire, Champs, Flammarion, Paris, 1985, p. 210.
8 Friedrich ENGELS, L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État, in Karl MARX-Friedrich ENGELS, Œuvres choisies en deux volumes, vol. II, Éditions du Progrès, Moscou, 1976, p. 240.
9 Timothy S. MILLER, The Birth of the Hospital in the Byzantine Empire, John Hopkins University Press, Baltimore and London, 1997.
10 Timothy S. MILLER-John W. NESBITT, Walking Corpses: Leprosy in Byzantium and the Medieval West, Cornell University Press, Ithaca and London, 2014.
11 James BRODMAN, Hospitals in the Middle Ages, in Carol LANSING and Edward D. ENGLISH (dir.), A companion to the Medieval World, Wiley-Blackwell, 2009, p. 264.
12 Ssu-yü TÊNG, Chinese Influence on The Western Examination System, Harvard Journal of Asiatic Studies, Vol. 7, No. 4 (Sep., 1943), pp. 267-312.
13 Virgile PINOT, La Chine et la formation de l'esprit philosophique en France (1640-1740), 1932.
14 François QUESNAY, Le despotisme de la Chine, in Christine THÉRÉ, Loïc CHARLES and Jean-Claude PERROT (dir.), François Quesnay, Œuvres économiques complètes et autres textes, tome second, Institut national d'études demographiques, Paris, 2005, p. 1014.
15 Immanuel WALLERSTEIN, The Modern World-System III: The Second Era f Great Expansion of the Capitalist World-Economy, 1730s-1840s, University of California Press, Berkeley, 2011 [1989], p. 28.
16 John R. LOVE, Antiquity and Capitalism: Max Weber and the Sociological Foundations of Roman Civilization, Routledge, New York, 2005 [1991].
17 Pieter SPIERENBURG, The Prison Experience: Disciplinary Institutions and Their Inmates in Early Modern Europe, Amsterdam Academic Archive, 2007 [1991].
18 Michel FOUCAULT, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France, 1977–1978, Gallimard/Seuil, Paris, 2004, p. 48.
19 Julia HILLNER, Prison, Punishment and Penance in Late Antiquity, Cambridge University Press, Cambridge, 2015, p. 349.
20 Pierre DEYON, Les temps des prisons. Essai sur l'histoire de la délinquance et les origines du système pénitentiaire, Université de Lille III-Editions Universitaires, Lille, 1975; Jacques-Guy PETIT et al., Histoire des galères, bagnes et prisons, XIIIe-XXe siecles: Introduction à l'histoire pénale de la France, Privat, Toulouse, 1991; Norbert FINZSCH-Robert JÜTTE (dir.), Institutions of Confinement: Hospitals, Asylums, and Prisons in Western Europe and North America, 1500-1950, Cambridge University Press, Cambridge, 1996; Albrecht CLASSEN-Connie SCARBOROUGH (dir.), Crime and Punishment in the Middle Ages and Early Modern Age: Mental-Historical Investigations of Basic Human Problems and Social Responses, De Gruyter, Berlin, 2012; Ulrich L. LEHNER, Monastic Prisons and Torture Chambers: Crime and Punishment in Central European Monasteries, 1600-1800, Cascade Books, Eugene, Oregon, 2013.
21 Karl MARX, Le Capital, tome I, Quadrige/ Presses Universitaires de France, Paris, 1993, p. 853.
22 Fernand BRAUDEL, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle, III: Le temps du monde, Armand Colin, Paris, 1979, p. 251.
23 Hannah ARENDT, Sur la violence, in Hannah ARENDT, Du Mensonge à la violence: Essais de politique contemporaine, trad. G. Durand, Paris, Éditions Calmann-Lévy, 1972, pp. 143-145.
24 Hannah ARENDT, Qu'est-ce que l'autorité?, in Hannah ARENDT, La crise de la culture, trad. P. Lévy, Gallimard, Paris, 1972, p. 123.
25 N'oublions pas l'étymologie: un nom commun issu du latin fors, qui signifie l'hasard, la fortune.
26 Du latin possum, potentia, etc.. Cf. les termes juridiques in esse et in posse.
27 Rappelez-vous que le mot contrôle vient de l'ancien mot français contrerole. Dans son sens ancien, contrôle était le “registre double qu'on tient pour la vérification d'un autre” (Émile LITTRÉ, Dictionnaire de la langue française, tome premier (A-C), Librairie Hachette et Cie, Paris, 1873, lemme contrôle, p. 789). Voyez aussi Fréderic GODEFROY, Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle – Complément, tome neuvième, lemmes contreroller et contrerolleur, p. 186.
28 Une technique primaire est, par excellence, l'utilisation des armes.
29 Leonard SNETLAGE, Nouveau dictionnaire francais contenant les éxpressions de nouvelle création du Peuple Français etc., Gottingue, Dieterich, 1795, p. 215.
30 Giacomo CASANOVA, À Léonard Snetlage, docteur en droit de l'Université de Gottingue, Jacques Casanova, docteur en droit de l'Université de Padoue, 1797.
31 Antoine FURÈTIERE, Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts, tome troisième, Haye et Rotterdam, Arnout et Reinier Leers, 1690.
32 André THEUET [Thevet], Cosmographie De Levant, Reuue & augmentée de plusieurs figures, Ian de Tovrnes et Gvil. Gazeav, Lion, 1556, p. 94. À titre incident, Thevet était un explorateur et, possiblement, un espion pour la France.
33 Aristotle, Περί Ἑρμηνείας [De l'interprétation], 18 b 23 et ss.
34 Pierre DE RIVO, Questio quodlibetica Petri de Rivo, in Léon BAUDRY, La querelle des futurs contingents: (Louvain, 1465-1475), Vrin, Paris, 1950, p. 71. La traduction est la mienne.
35 Dan KAMINSKI, Critique de la critique de la critique: Simon Green et le “pouvoir” de la criminologie, Présentation orale, Séminaire Surveillance et Contrôle: (dé)mystification des concepts, Université Catholique de Louvain, 13 novembre 2015.
36 ÉPICURE, Lettre à Ménécée, 135, trad. O. Hamelin, Revue de Métaphysique et de Morale, 18, 1910, p. 397-440.